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mercredi 31 mars 2021

Le Royaume assassiné d'Alexandra Christo

 

Editions : De Saxus, 26 novembre 2020,  18,90€, 500 pages.
Résumé : Lira est la sirène la plus dangereuse de l'océan. Elle a déjà pris le cœur de dix-sept princes qui sont tombés sous son charme. Mais un jour, tout bascule lorsqu'elle tue l'une de ses semblables. Pour la punir, sa mère la Reine des Mers transforme Lira en ce qu'elle déteste le plus : une humaine. Elle lui donne alors jusqu'au solstice d'hiver pour lui apporter le cœur du Prince Elian, ou bien elle restera sous cette forme pour l'éternité. De son côté, le Prince considère l'océan comme sa vraie demeure, même s'il est l'héritier du plus grand des royaumes. Chasser les sirènes est sa raison d'être. Mais lorsqu'il sauve une femme qui se noie, il est loin de se douter de sa vraie nature... Pour le remercier, elle lui promet de l'aider à trouver le moyen de détruire toutes les sirènes, mais peut-il vraiment lui faire confiance ? 
 
Mon avis
 
Les réécritures de contes, c'est un thème que j'adore. Parfois c'est plutôt bien fait (Les Contes du Royaume de Sarah Pinborough) et d'autres fois... ça l'est beaucoup moins. De mon point de vue, Le Royaume assassiné se trouve dans cette dernière catégorie. J'ai succombé à l'appel de la blogosphère sur instagram. Tout le monde en parlait, c'était le dernier bouquin à la mode qui inondait les deux tiers des storys. Bien mal m'en a pris, car je n'ai pas du tout accroché.
 
Pourtant, il partait bien. La structure m'a plu, un chapitre sur deux étant écrit du point de vue de la sirène, les autres du point de vue du Prince. On a les deux faces d'une même pièce, on peut faire le va et vient entre leurs histoires respectives et la manière dont ils abordent les mêmes événements.  J'apprécie de plus en plus ce schéma qui permet finalement des lectures différentes d'une même histoire. Là où le bat blesse, c'est dans la construction des personnages et de l'intrigue !
 
Ce roman est un one-shot. La totalité de l'histoire doit donc tenir dans ce livre seul. Pari risqué, surtout lorsque nous abordons de la fantasy. Pourquoi ? Parce que non seulement il faut faire tenir toute l'histoire sur quelques centaines de pages, mais en plus, il faut prendre le temps de présenter l'univers, ses rouages politiques et/ou économiques, l'utilisation de la magie, les différentes créatures surnaturelles, les différents royaumes etc. Et puis il faut aussi pouvoir développer suffisamment les personnages pour qu'ils séduisent les lecteurs ! Tout cela ne laisse plus beaucoup de place pour construire une intrigue à la fois cohérente et intéressante !

Voilà le problème. Pour moi, tout le roman est expédié. L'idée de base est sympa, mais elle n'est pas suffisamment développée. La rencontre entre les deux personnages principaux intervient trop tard. Du coup, leur aventure commune n'a plus de rythme. La partie où ils s'appréhendent est trop longue. On nous promet un grand voyage tout au long du roman. Au final, ils ne le commencent qu'à quelques chapitres de la fin. Forcément, la bataille finale est bâclée car expédiée. D'un autre côté, et j'en reviens à cette histoire de one-shot, l'auteure ne pouvait faire autrement. Il fallait bien qu'elle prenne le temps de nous expliquer le contexte. C'est pourquoi, à mon sens, son histoire aurait gagné à être écrite au minimum en deux tomes. 

Deuxième point négatif : les personnages. J'en retiens deux choses : des dialogues creux avec un humour plat, et une forte incohérence au niveau de la construction des protagonistes. Prenons Elian, qui pour moi, est le personnage le moins intéressant de l'histoire. On dit de lui qu'il est un prince-pirate sans état d'âme, cruel et violent. Que nenni, on découvre dès le départ qu'il a bon coeur, aime ses équipiers comme sa famille, et prend à cœur cette chasse aux sirènes non pas par soif de sang, mais tout simplement pour sauver son peuple. C'est chevaleresque non ? Eh bien tout au long de votre lecture, on vous rabâchera que décidément, non, le prince est un monstre... lui-même se voit ainsi d'ailleurs. Mais ce n'est pas du tout crédible. On voit bien là que c'est un genre qu'a voulu lui donner l'auteure. Mais il n'y a pas de substance. On ne comprend pas d'où lui vient cette réputation. Et pourtant, qu'est-ce qu'on en parle, ça revient presque à chaque chapitre. Au final, c'est un homme qui refuse ses responsabilités de futur roi, qui préfère faire mumuse sur son bateau et jouer au héros en partant à la chasse aux sorcières. Pourquoi pas... mais c'est trop peu, trop cliché, trop fade.
 
Heureusement, Lira est un peu mieux construite. Elle est l'héritière du monde des mers. Tuer des princes... pour le coup, elle y prend vraiment plaisir ! Et elle le montre ! Même lorsque sa mère la trahit, elle n'a de cesse de vouloir tuer le prince pour satisfaire la Reine. Mais plus le temps va passer, plus ses sentiments vont changer. Sa manière de voir le monde va se modifier, tout comme ses sentiments pour Elian. Pour le coup, j'ai apprécié son développement que je trouve cohérent.
 
 
En conclusion
 
L'histoire est intéressante, mais elle aurait gagné à être écrite sur deux voire trois tomes. Le format one-shot ne fonctionne pas ici. Quant aux personnages, Lira est correctement développée, mais Elian est trop cliché pour être intéressant. L'objet livre est joli c'est vrai, mais l'histoire ne lui fait pas honneur malheureusement. C'est dommage, car l'idée originale était très bonne. 

mercredi 24 mars 2021

#Tousdebout de Agnès Marot et Cindy Van Wilder


 

Editions : Hugo & Cie, Collection New Way, 11 mars 2021, 360 pages, 17€
Résumé : D'un côté, Anton, un garçon discret qui se cache derrière le pseudo Gossip Boy pour jouer les justiciers sur Tumblr (et y balancer les pires ragots du bahut). De l'autre, Méloée, jeune fille fougueuse et passionnée qui craque sur Rahim, le petit nouveau du lycée. Sous ses airs d'étudiant sans histoires, le mystérieux Rahim se retrouve vite au centre de toutes les attentions. Surtout lorsque Gossip Boy révèle qu'il est sans-papiers... Bientôt, tout bascule. Rahim est sur le point d'être expulsé. Derrière les grilles, il est temps pour les élèves barricadés de lever le poing pour défendre l'un des leurs !
Je remercie le site Babelio pour cet envoi lors de la dernière masse critique ainsi que les éditions Hugo&Cie. 
 
Il s'agit d'un livre écrit à quatre mains. Ce procédé d'écriture à plusieurs est toujours très intriguant. On se demande quelle organisation ont choisi les deux auteurices pour écrire ensemble et créer une histoire qui leur ressemble à tout.e.s les deux. Pour ce qui est du style, je ne connais pas Agnès Marot, mais je connais Cindy Van Wilder par sa saga les Outrepasseurs que j'ai adorée et chroniquée. Dans #Tousdebout, je retrouve cette fluidité de lecture qui emporte les lecteurs sans qu'ils ne s'en rendent compte. En un tour de main, les 360 pages étaient lues. Je n'ai pas vu le temps filé. Il faut dire que les auteurices savent nous embarquer avec iels. 
 
L'histoire se découpe entre les points de vue de Méloée et d'Anton. Un chapitre sur deux leur est consacré. C'est intéressant de faire le va et vient entre ces deux personnages centraux. On aurait pu croire qu'iels choisiraient d'y inclure de la même façon le point de vue de Rahim, principal intéressé par cette histoire de blocus et de sans-papiers, mais ce n'est pas le cas (je reviens sur le personnage de Rahim plus loin dans ma chronique). Au contraire, on s'intéresse ici à ce que vit Anton (Gossip Boy), un jeune homme qui agit dans l'ombre, en solitaire, tel un justicier mais tellement maladroit qu'il se met à dos la quasi totalité de la ville. Caché derrière son pseudo, ça le fait bien marrer Anton, de voir tout le monde s'acharner sur Gossip Boy, tout en attendant avec impatience sa dernière publication. Mais à trop vouloir faire le malin, il va mettre en branle des événements qui le dépasseront qui auront de graves conséquences pour ses camarades de classe, et pour lui-même.  On s'intéresse également à la jeune Méloée, la petite amie de Rahim et celle qui deviendra rapidement l'instigatrice du blocus du lycée, le rempart entre son amoureux et les joyeusetés administratives françaises (comprenez la menace d'expulsion et les CRS, et à plus grande échelle, le gouvernement iranien). 
 
Le point de vue de Rahim, nous l'avons aussi par les quelques extraits de son journal intime qu'il nous est donné de lire entre les différents chapitres. On comprend bien vite que la situation va plus loin que cette histoire de sans-papier. Rahim vit illégalement en France, mais il ne peut pas vivre non plus dans son pays natal, car on y condamne à mort les personnes lgbtq+. La question n'est donc pas seulement politique, mais aussi identitaire. Et c'est ce qui fait de ce livre une histoire complète. Tout y est traité avec subtilité. On se prend rapidement de compassion pour Rahim, adolescent perdu entre ses sentiments, les lois de son pays, les événements tragiques qu'il a du vivre et les mensonges dans lesquels il vit encore au quotidien. 
 
Ce que j'ai apprécié par dessus tout, c'est qu'aucun des adolescents n'est parfait. Chacun réagit à sa manière, prend des décisions et se laisse porter par le flot des conséquences. Chacun approuve et désapprouve, apporte son aide ou au contraire, repousse les autres. Cette histoire est un bouillon d'émotions mais c'est si bien cuisiné qu'il est impossible pour les lecteurs de s'y noyer. On a peur pour Rahim, on désapprouve Anton tout en lui souhaitant la rédemption qu'il cherche et qu'au fond, il mérite. On admire Méloée tout comme on la fustige lorsqu'elle tire profit de certaines situations, et Mathis... c'est finalement le seul personnage avec lequel je n'ai pas réussi à accrocher. Mais c'était forcément plus difficile pour lui puisque son point de vue ne nous est jamais donné. C'est bien là la seule chose que j'ai trouvé dommage. J'aurais aimé en apprendre plus sur lui et sur la manière dont il vit et voit cette situation. 
 
En conclusion
 
Cette histoire fait réfléchir. Elle percute dans le bon sens du terme. Et en plus d'être très bien écrite et de permettre aux lecteurs une lecture fluide et limpide, elle nous transporte et nous fait passer par une myriade d'émotions.